
« Dans l’avant-dernière scène de la saison, le père d’Akiva, Shulem, cite un autre artiste, l’écrivain emblématique Isaac Bashevis Singer, qui suggère que « les morts ne vont nulle part … Ils sont tous ici tout le temps. »
Ceci est suivi d’un sort vivant, possible uniquement à travers l’art. Tous ceux qui sont morts, les épouses et les mères, les pères et les grands-parents, tous les êtres chers perdus qui manquent désespérément aux personnages, remplissent soudain le cadre, s’assoient à la table comme pour un repas normal, passant la challah et les cornichons, en riant et parler. Désormais, les morts et les vivants sont côte à côte avec le même sens de la réalité. C’est un tour de magie que seul l’art peut réaliser. »
© « La vie est courte, mais Shtisel est éternelle » Rak Be Israël – Sté Alyaexpress-News
SHTISEL OU LA PUISSANCE DU SERPENT
Pour résumer, il existe trois Torot : la Torah primordiale, modèle pour le Saint Béni Soit-Il à la Création du monde, la Torah écrite et la Torah orale. Tout ceci est juste et bon, mais ramené au niveau des chambres à coucher, de l’Intime, il manquait une dimension plus incarnée de cet ordre. L’histoire des Shtisel nous l’apporte enfin.
Car rien d’autre que notre condition humaine se dévoile dans ce monde en apparence ultra-religieux. On se moque de savoir si tel courant de Bnei Brak à Jésuralem est plus minoritaire ou représentatif qu’un autre. Ici, c’est la valse des étiquettes. La Loi est une chose, la contradiction existentielle en est une autre. Tous ces juifs, déguisés en juifs plus que juifs, ont les problèmes de tout un chacun. Et ce n’est pas notre feu Rabbi Jacob national qui aurait dit le contraire.

Regardons de près la symbolique de SHTISEL : S – T – I – S – L : Shin – Teith – Yod – Samekh – Lamed שט׳סל.
Soit l’énergie de la Connaissance et de la Tradition par l’étude et l’originalité en vue de les transmettre.
Sa guématrie donne 409 : Avoth, Pères, ancêtres – Agadta, récit légendaire – Ziv haShekhinah, rayonnement de la Shekhinah (Présence) – Lavash ôz, prendre courage, devenir audacieux – Qedoushah, sainteté.
Nous y sommes, la vie est un puzzle à assembler, mais sans oublier une pièce, une seule Lettre à cette Torah-là, pour pouvoir l’interpréter dignement. Les Shtisel en sont le microcosme.
Les héros et héroïnes de la série gravitent autour du Patriarche Shulem : Akiva, Zvi Arye, Giti, Lippe, Ruchama, Nuchem, Elisheva, Libbi, etc. incarnés par un casting en or à redécouvrir ici :
https://integraliah.com/fr/le-casting-de-shtisel-et-tout-ce-que-vous-devez-savoir-sur-la-saison-3/
On retrouve dans le labyrinthe de cette légende multiforme issue du Shetl passé d’Europe Centrale, aux prises avec la modernité, les grands thèmes en filigrane de la Nechama : les âmes-soeurs, la Dévéqout (possession divine) et le Dibbouk (possession spirite), le Guigoul (réincarnation), le Lévirat (obligation d’épouser sa belle-soeur veuve), la tentation de la Magie, le goût pour les miracles, la rédemption, etc.
Haya, la Force de vie des Israélites, Satellite de la Merkavah (Char Céleste) permet toujours de redresser la tête, se relever, de ressusciter, et de repartir, quelles que soient les épreuves. Une logique atavique et éprouvée depuis l’origine de l’Exil.

Alors, oui, quand Shulem cite en final Isaac BASHEVIS SINGER au dernier épisode de la saison 3 : « les morts ne vont nulle part … Ils sont tous ici tout le temps, » il donne la clé de l’histoire. Le culte de la vie porté au pinacle dans la culture hébraïque a comme corollaire sous-jacent le culte des morts, surtout dans sa dimension familiale. Soit le temple et sa présence. Car, sans eux, point de salut. Tout compte : le visible et l’invisible. Là réside le premier anneau du serpent qui nous sert de titre. Et d’ailleurs, pourrait-on rajouter le fameux « Mort, où est ta victoire ? » de Saint-Paul, ex-Saül disciple de Ben Gamliel, dans Corinthiens 15, 51-58.
Dans les églises orthodoxes, on allume encore dans des endroits distincts les cierges pour les morts, et ceux pour les vivants. Que voulez-vous, on a retiré depuis longtemps les cimetières autour des églises au centre des villages. Mais les défunts, eux, persistent à vivre dans l’inconscient de tout un chacun, distillant leurs programmes de réussites et de dettes. Ici, Libbi rejoint Malka, la défunte mère, et le grand-père, dans la communauté des absents si présents, et de leur ballet projectif sur les transmetteurs restants priés d’intégrer tout ceci.
Aussi, NETFLIX a commis un impair en qualifiant sa série-culte de soap (opéra). En apparence, la trame du récit, le contenant y ressemble, mais quant au contenu, rien à voir avec Les Feux de l’amour… De fait, il recèle un trésor intimiste de psychologie tout en nuances. Le cinéma israélien nous avait déjà interpellé sur son potentiel : Hatufim (2010-2012), Fauda (2015-2018), When heroes fly (2018), Unorthodox (2020). Là, il rafle la mise en confirmant sa puissance d’innovation sur son propre concept.
Il y a peu, la série En thérapie sur Arte (d’après la série israélienne BeTipul) des talentueux sépharades, Eric NACCACHE et Olivier TOLEDANO, déclenchant une onde de succès inattendu, nous avait encore mis au pied du Mur (sic) sur certaines lamentations de l’âme. Une question incongrue, et non politique SVP, se poserait alors : les Juifs seraient-ils les meilleurs en psychologie, et pourquoi ?

Bien sûr, dans l’ADN juif se retrouvent tous les mécanismes de survie de leur histoire mouvementée, en mutations successives. Et les clés de leur réussite résident dans leur sacro-saint principe d’études et de diplômes – dans l’auto-reproduction, et n’en déplaise, dans les mariages mixtes où certains descendants se retrouveront un jour pour le renouvellement – permettant de prendre partout position dans la société. Mais, le ciment de la religion demeure l’épine dorsale de leur société.
Si la Kabbale est le sens profond de la Torah, celle-ci n’est pas en apparence abordée, mais entièrement implicite dans le sens de la psychologie des profondeurs, à travers ce feuilleton à tiroirs. N’y aurait-il pas foule chez ces rabbins pour aborder franchement ce degré Sod du Secret dans le PaRDèS ? Beaucoup d’appelés et peu d’élus chez le Peuple élu en papillotes ? Il n’a pas foule même en 2021 pour relier le spirituel au psychologique dans n’importe quelle religion. Il y a là, comment dire, un grand retard à l’allumage, face à la mutation accélérée tous azimuts du monde.
Le héros-malgré-lui Shulem symbolise ce que pourrait être le triptyque Kadoch, Cacher, Kessef (l’argent, même mot en hébreu que le désir…). Soit le second anneau du Serpent énergétique invisible guidant cette Communauté, fonctionnant dans le principe incessant de Création, et de son Eros.
En réaction, l’antisémitisme, et la jalousie menant au meurtre, prospèrent (in)consciemment. On ne peut accepter que certains soient souvent et partout les meilleurs grâce à l’avantage unique d’unir le matériel et le spirituel à travers les âges. Mais au prix d’une fixation culturelle tenace, voire obsessionnelle, que tout le monde ne partage pas, et qui se retourne périodiquement contre les principaux intéressés.

La quête permanente juive pour l’Energie, dans le but de la redistribuer, reste incomprise par ceux qui veulent ou ne peuvent, la comprendre. Le succès apporte la fascination, mais la fixation permanente à la réussite, amène un jour la rupture. Il manque le 11° Commandement « Tu ne manipuleras point », pour limiter la liberté de la tête du Serpent parfois auto-destructrice, en réaction à l’Orgueil et à l’assimilation.
Le veuf Shulem n’est pas reste, au sommet de la Loi et face à lui-même, à sa solitude, comme à son frère Nuchem, dans leur lamentable combat à terre, parodie de Jacob et d’Esaü. La pauvre Nechama, et son gros lot devenu inutile, en fait les frais, appelée et jetée, et enfin suppliée. La sagesse n’est pas toujours du côté que l’on croit aurait pu dire là le Roi Salomon. Le cruel marché de l’offre et la demande ; ici, sans fards, malgré le baratin rabbinique. Humain, trop humain ? Les lois bibliques sont des lois psychologiques universelles.
Incidemment, rappelons que les femmes représentent la moitié de cette humanité, et y pèsent significativement. Si le Pouvoir relève du Patriarcat, la Puissance, elle, procède du Matriarcat. Même toujours présumées « impures », gênées pour prier face au Kotel avec leurs téfilines, les femmes israéliennes pèsent lourdement dans la balance. Et en extrapolant, on comprend mieux l’équilibre inavoué amené par la Torah entre les deux principes de l’humanité face-à-face.
En attendant, la beauté et la bonté de la majorité des femmes juives, de celles des SHTISEL, continuent de rayonner, car elles savent naturellement que la vie l’emportera toujours, avec ou sans les 613 mitsvoth.
Dans le basculement cosmique en cours entre l’infiniment grand et le petit, entre le monde ancien et le nouveau, entre la Loi du Père et la Loi de la Mère, entre la Nécessité et le Hasard quantique, comment équilibrer cette crise de paradigme ? Si avant « un homme valait deux femmes », cette équation est en cours d’inversion, en ouvrant la crainte et la porte vers le pouvoir absolu féminin, notamment en Occident. Les crises alors ne manqueront pour une redistribution des cartes. Pour les initié(e)s, l’émergence des femmes annonce celui du Féminin au Septième Millénaire hébraïque, le temps messianique du Shabbat et de la paix universels (au 23° siècle ?)
Curieuse religion en effet que le judaïsme, refoulant Mitsraïm, l’origine égyptienne, à chaque liturgie. Il semblerait que le fameux Mosès-Moshé-Moïse, issu de la Cour de Pharaon, et son peuple, n’aient jamais traversé ladite Mer Rouge, mais plutôt la Mer des Joncs (Yam Souf) du Livre des Morts égyptien…

Là, le sujet principal revient au troisième anneau du Serpent. Le secret fut dévoilé au grand public par les Rabbins Roger et Messod (zal) SABBAH dans Les Secrets de l’Exode (L’origine égyptienne des hébreux), Poche (2000). Et surtout par le premier dans Le Pharaon juif, J-C Lattès (2008) (*). Pharaon serait-il encore aujourd’hui paradoxalement le secret le mieux gardé d’Israël ? Deux dates nous interpellent quand même :
La Guerre de Kippour : Sous l’impulsion d’Anouar EL-SADATE, l’armée égyptienne enfonce les lignes israéliennes (Bar Lev) au calendrier de Kippour, Octobre 1973, dans l’énergie de Kephri, le dieu Serpent, sous l’égide d’ANOKHI ATON, Dieu d’Egypte. Israël remportera la victoire militaire dans l’énergie d’ANOKHI ADON(AÏ), Dieu d’Israël. La paix interviendra ensuite aux accords de Camp David (1978) avec la restitution du Sinaï. Soit avec l’équilibre des deux Faces du Dieu de ces Lieux.
Les Accords d’Abraham, soit un traité de paix entre Israël et les Emirats Arabes Unis d’une part (2020), et une déclaration bilatérale de paix entre Israël et Bahreïn d’autre part. En vue de consolider l’arc sunnite contre l’Iran, avec l’acquiescement tacite de l’Arabie Saoudite. Sans oublier la normalisation diplomatique avec le Maroc en échange du soutien à sa politique au Sahara occidental ; mais qui attend encore à être ratifié par la nouvelle administration US.
Le sens caché de tout ceci n’est-il pas la recomposition de la Grande Egypte, incluant Israël et la Palestine, plus la zone d’influence arabique, face à l’ancien empire antagonique que représente l’Iran (cf. l’Egypte province perse soumise à Persépolis dans sa 26° Dynastie pharaonique de – 525 / – 404 av JC) ? Et par extension l’autre ex-empire de la région (Babylone) : « Games of Thrones » as usual…

Les Palestiniens continuent à être les éternels perdants de l’Histoire. La Loi de Jacob (-Pharaon) est certes dure, cruelle et injuste sous la colonisation israélienne, mais elle permet de contrer l’Autre Côté arabo-musulman, l‘Al-Jarab issu du Hedjaz que représente le Hamas (cf. Ibn KHALDOUN, « Al Arab Djarab, les Arabes sont la destruction »). Mais Tel Aviv n’était pas obligée de les déposséder en vendant la Cisjordanie en appartements pour régler sa crise immobilière. Quelle honte marchande !
Pour en revenir aux SHTISEL, eux seuls les Orthodoxes, s’arrogent le droit d’être anti-sionistes sans culpabilité. Tandis qu’en Occident, l’antisionisme est assimilé à l’antisémitisme. Aux Proche et Moyen Orient, quand on est contre Israël, on est anti-juifs. Point, et sans nos propres nuances sémantiques.
Dans l’ancien ordre égyptien, Pharaon jongle avec le Serpent énergétique Apophis pour assurer la paix cosmique, notamment avec le Nil. Il est le Grand Intercesseur ; d’autres lui ont succédé : Moïse, Jésus-Christ, Mahomet ; et d’autres continueront à le faire. La logique royale et sacerdotale toujours inscrite en creux dans les enjeux collectifs.
Dans l’histoire mouvementée des Bnei Israël, les Enfants d’Israël, ne peut-on pas dévoiler la trame cachée suivante ?
- la déchirure égyptienne des Yehoudim (la caste des Prêtres), de fait officiellement dans l’exil à Babylone (*),
- la déchirure judéo-espagnole (15°siècle),

- la déchirure judéo-allemande (Shoah),
- la déchirure judéo-arabe (20° siècle),
- la future déchirure terrestre (21° siècle…) pour accomplir la sentence du Zohar : « la Semence d’Israël vient du 7° Ciel. » Un jour, le prix à payer pour se maintenir en Palestine-Israël terrestre deviendra rédhibitoire. Alors, restera à accomplir l’unification du double ANOKHI, par le retour à l’Ordre de Pharaon, Osiris-Orion, Isis-Sirius, afin que tout soit consommé dans la colonisation de l’Espace (Lune, Mars, etc.). Dans le sillage du marrane Christophe COLOMB, découvreur du Nouveau Monde…
En conclusion, pourquoi mêler les SHTISEL à tout ce serpent de mer herméneutique ? La Kabbale du microcosme et du macrocosme, le renouvellement des idées ?
La puissance du Serpent Ouroboros, le potentiel révélé du Nom, B’ezrat Hachem.
La comédie humaine prend ici une autre saveur. Vivement la suite…
Eric LE NOUVEL
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